Le Gabon Actuel, le 31 aout 2025 – Ce fut un moment profondément symbolique. À Tchibanga, lors des célébrations de la Fête de la Libération, le Président Brice Clotaire Oligui Nguema a élevé Bertrand Zibi Abeghe au rang de Commandeur de l’Ordre national du Mérite, marquant ainsi la reconnaissance officielle d’un parcours de résistance et de souffrance sous l’ancien régime.
Cet ancien député PDG de Minvoul, dans le Woleu-Ntem, s’était illustré dès 2016 par son courage politique en quittant le parti au pouvoir pour dénoncer ce qu’il qualifiait alors de « hold-up électoral » lors de la présidentielle controversée qui avait reconduit Ali Bongo Ondimba. Son franc-parler lui vaudra une arrestation en décembre de la même année et un emprisonnement à la prison centrale de Libreville, sous l’accusation d’«atteinte à la sûreté de l’État» – une accusation fréquemment utilisée pour réduire au silence les opposants. Il endurera cette épreuve sans jamais fléchir ni accepter les offres de libération conditionnelle liées à un silence imposé.
Figure discrète mais très respectée, Zibi Abeghe avait auparavant œuvré dans l’ombre pour le développement de sa circonscription, Minvoul, l’une des plus enclavées du nord du Gabon. Son engagement remonte aux mouvements estudiantins des années 1990, où il milita déjà pour plus de transparence et de justice sociale.
Le 30 août 2023, avec la chute du régime Bongo après 56 ans de règne, la page se tourne enfin. La décoration de Zibi Abeghe par le nouveau pouvoir apparaît alors comme bien plus qu’une simple distinction honorifique : c’est un acte de justice mémorielle, une réhabilitation officielle de tous ceux qui, comme lui, ont payé le prix fort pour leurs convictions démocratiques. D’autres voix étouffées sous l’ancien régime, telles que celles de Marc Ona Essangui ou de Jean-Rémy Yama, pourraient également faire l’objet d’une reconsidération publique dans le cadre de cette politique de réconciliation nationale.
Dans cette cinquième République, ce geste présidentiel prend une résonance particulière. Il signifie que les sacrifices passés ne seront plus ignorés et que le nouveau Gabon entend honorer ceux qui ont contribué à sa libération. La médaille remise à Zibi Abeghe devient ainsi le symbole d’une nation qui se réconcilie avec son histoire et ses héros longtemps méconnus.
Aujourd’hui, alors que le pays écrit un nouveau chapitre de son histoire, la figure de Zibi Abeghe Bertrand restera comme celle d’un homme qui a su dire non au prix de sa liberté, et à qui la patrie reconnaissante rend enfin hommage.