Le Gabon Actuel, le 28 novembre 2024 – Le ministère de la Justice américaine frappe un grand coup en proposant de séparer le navigateur Chrome de Google, une manœuvre qui pourrait ébranler les fondations de l’empire technologique californien. Le 20 novembre 2024, la requête a été déposée auprès du juge fédéral de Washington, Amit Mehta, dans une démarche visant à contrer les pratiques anticoncurrentielles du géant de la tech. Ce dernier, toujours dans le déni, a qualifié cette demande d’« interventionnisme radical », mais le choc que pourrait engendrer cette décision se fait déjà sentir dans les couloirs de Google.
La question principale : pourquoi Google ? Et surtout, pourquoi Chrome ? Le moteur de recherche de la firme, qui détient près de 90 % du marché mondial, est jugé responsable d’un monopole numérique à couper le souffle. Grâce à des contrats juteux avec des fabricants de smartphones, des opérateurs télécoms, et même d’autres navigateurs, Google a réussi à imposer son moteur de recherche comme la norme, souvent préinstallé sur des millions de terminaux – des téléphones aux voitures, en passant par les enceintes connectées.
Le résultat ? Un écrasement quasi-total des concurrents, ce qui n’a pas échappé à la Justice américaine. Selon les autorités, ces pratiques anti-concurrentielles sont illégales, et la demande de dissocier Chrome de Google n’est qu’un premier avertissement. Une vente de Chrome pourrait ne pas seulement perturber l’équilibre du marché, mais aussi secouer les recettes publicitaires colossales de Google, qui génère des milliards de dollars grâce à son moteur de recherche. Pour Dan Ives, analyste chez Wedbush Securities, cela « changerait radicalement le modèle économique de Google ».
Mais Google a un atout dans sa manche : sa résilience. Certains experts estiment qu’une vente de Chrome ne marquerait pas la fin de Google. Comme Apple l’a démontré avec sa politique stricte sur les cookies, l’industrie de la publicité peut évoluer. « Google s’adaptera, comme elle l’a toujours fait », commente Beth Egan, professeure à l’université de Syracuse. D’autres, cependant, ne partagent pas cet optimisme, en soulignant que Chrome représente bien plus qu’un simple navigateur ; c’est une porte d’entrée sur le web, une mine d’or d’informations qui alimente les algorithmes de Google.
Mais que vaut Chrome sur le marché ? La question d’une vente pose également problème. Selon une estimation de Bloomberg, Chrome pourrait se vendre pour 15 milliards de dollars, une somme énorme, mais peut-être insuffisante par rapport aux revenus publicitaires générés par Google chaque année. Les spéculations vont bon train, mais rares sont les entreprises prêtes à prendre ce risque sans soulever d’autres problèmes de concurrence.
Et qui pourrait acquérir Chrome ? Probablement personne sans se retrouver sous la loupe des régulateurs antitrust. Beth Egan, une nouvelle fois, résume bien la situation : « Quelqu’un qui rachèterait Chrome risquerait de créer un autre problème de monopole ». Si le gouvernement américain espère qu’un acteur américain pourrait acheter Chrome pour soutenir l’innovation en IA et maintenir l’hégémonie technologique des États-Unis, il faudra probablement plus qu’une simple acquisition pour résoudre le casse-tête antitrust.
Enfin, un dernier élément pourrait venir chambouler cette bataille judiciaire : l’arrivée potentielle de Donald Trump à la tête du pays. En octobre, l’ancien président a suggéré qu’une scission de Google pourrait nuire aux intérêts américains face à la Chine, en soulignant que la Chine « a peur de Google ». Ce soutien à Google, contre toute attente, pourrait modifier la donne dans la décision de Mehta, un juge à l’autorité désormais redoutée après sa condamnation de Google en août 2024.
Dans ce climat tendu, une décision pourrait bien surgir dès août 2025. Mais d’ici là, le feuilleton juridique ne fait que commencer, et Google, malgré ses protestations, devra peut-être se préparer à une réalité sans son navigateur emblématique.