Il y a des parcours qui laissent pantois. Celui d’Ike Ngouoni Aïla Oyouomi en est un bel exemple. L’homme, ancien porte-parole de la présidence sous Ali Bongo Ondimba, a vu son destin prendre un virage spectaculaire : des ors du Palais Rénovation aux sombres murs de Sans Familles, célèbre centre pénitentiaire de Libreville. Aujourd’hui, celui que l’on croyait définitivement écarté de la scène publique se réinvente en expert autoproclamé de la gestion municipale. Oui, vous avez bien lu. Ike est de retour, et cette fois, il n’a pas seulement des discours, mais des leçons à donner.
Un comeback inattendu, mais stratégique
Quand on a goûté à l’arène du pouvoir, il semble difficile de s’en défaire. Après un séjour à Sans Familles pour malversations financières, l’ex-porte-parole refait surface, non pas pour demander pardon, mais pour pointer du doigt les lacunes de la gestion municipale à Libreville. Avec un aplomb digne des plus grands stratèges politiques, Ike Ngouoni critique vigoureusement la gestion de la mairie, laquelle, selon lui, est plombée par une instabilité chronique. Il est vrai qu’en quatre ans, la capitale gabonaise a vu passer cinq maires, un record de rotation que même les directeurs de boîtes de nuit peineraient à égaler.
Dans cette valse des édiles, Ike voit un obstacle majeur à la mise en œuvre de politiques cohérentes. Il déplore une administration trop “court-termiste”, où chaque maire semble plus préoccupé par son départ imminent que par une vision à long terme pour la ville. Mais qui mieux que lui pourrait comprendre cette frénésie de changement, lui qui a été au cœur des intrigues politiques et des jeux de pouvoir de la présidence ?
Quand la critique s’invite après la chute
L’instabilité n’est cependant que le premier chapitre du diagnostic d’Ike. Il évoque également une administration “surpolitisée”, où les nominations se font selon les alliances et les affinités plutôt que sur la base des compétences. Cette remarque venant d’un ancien porte-parole du régime d’Ali Bongo a un petit goût ironique. Mais qui sommes-nous pour juger ? Après tout, Ike sait sûrement de quoi il parle, lui qui a vu de près les rouages de la machine politique sous ABO.
Mais sa critique ne s’arrête pas là. Le “conflit de compétences”, ce doux euphémisme pour décrire la cacophonie des responsabilités à la mairie, est un autre point qu’il fustige. Selon lui, personne ne sait vraiment qui fait quoi, et la décentralisation tant promise reste une chimère, un concept théorique que les citoyens n’ont jamais vu prendre forme dans leur quotidien.
Du diagnostic aux remèdes miracles
Toutefois, il ne suffit pas de critiquer. Ike Ngouoni propose des solutions. Loin de rester dans la posture de celui qui commente depuis les tribunes, il endosse le rôle du réformateur éclairé. Sa première suggestion ? Une réforme électorale pour stabiliser la mairie. Exit les maires éphémères, place à des édiles capables de durer plus qu’une saison dans cette administration houleuse.
Ensuite, il prône la création d’une fonction publique territoriale accessible par concours. Car, après tout, pourquoi ne pas injecter un peu de méritocratie dans cette administration gangrenée par le clientélisme ? Certes, venant de celui qui a côtoyé les coulisses du pouvoir où le népotisme étais une tradition, cette proposition pourrait sembler légèrement décalée. Mais le mérite ne devrait-il pas commencer quelque part ?
Enfin, la grande idée d’Ike, celle qui brille comme un phare dans la tempête de la municipalité librevilloise, c’est la création d’une “agglomération du Grand Libreville”. Une super-structure administrative pour coordonner l’ensemble des services municipaux et offrir une gestion plus efficace. Ambitieux, certes. Réaliste ? L’avenir nous le dira.
Un retour savamment orchestré ?
Alors, Ike Ngouoni est-il le professeur de gestion municipale dont Libreville a besoin, ou simplement un autre acteur du théâtre politique gabonais en quête de rédemption publique ? Quoi qu’il en soit, son retour ne passe pas inaperçu. Après avoir été au sommet du pouvoir, et puis derrière les barreaux, Ike revient en force, armé de propositions et de critiques acérées.
Libreville a besoin de réformes, c’est un fait. Mais est-ce à Ike, ancien protagoniste des rouages politiques du régime Bongo, de les mener ? A chacun d’en juger. Car après tout, comme le dit si bien l’adage : “Il faut parfois toucher le fond pour rebondir”. Et peut-être qu’Ike nous prépare encore un autre rebond, mais cette fois-ci, du bon côté de la scène politique. Ou pas.
Par Claude Mbadouma