Affaire Île Mbanié : pourquoi le verdict divise-t-il ?

LGA, 21 mai 2025 – La Cour internationale de justice a rendu son verdict dans l’un des plus anciens contentieux frontaliers d’Afrique centrale. Entre gain territorial et perte symbolique, la décision crée la polémique, surtout au Gabon.

Par notre Rédaction

Le jugement était attendu depuis des années. Il est tombé comme un couperet. Dans l’affaire opposant le Gabon à la Guinée équatoriale au sujet de la souveraineté sur trois îles et la délimitation de leurs frontières, la Cour internationale de justice (CIJ) a tranché : les îles de Mbanié, Conga et Corisco reviennent à la Guinée équatoriale. Une décision qui ne passe pas inaperçue à Libreville, où les réactions, souvent virulentes, ne cessent d’alimenter la toile.

Trois îles stratégiques… cédées

Au cœur du litige : les trois îlots situés dans la baie de Corisco, riches en hydrocarbures et stratégiquement positionnés. Revendiqués par le Gabon, ils étaient depuis longtemps occupés de facto par la Guinée équatoriale.

S’appuyant exclusivement sur le traité colonial signé en 1900 entre la France et l’Espagne, la CIJ a considéré que ces îles n’ont jamais été administrées par la France, et donc ne relèvent pas du territoire gabonais. Elles sont attribuées à la Guinée équatoriale, héritière des possessions espagnoles.

Une perte visible… mais un gain méconnu

Si la décision provoque une onde de choc au Gabon, c’est surtout parce que la perte des îles est tangible et symbolique. Mais le jugement ne s’arrête pas là.

Sur la frontière terrestre, la CIJ a donné raison au Gabon. En validant le tracé du traité de 1900, elle accorde à Libreville plusieurs territoires situés entre Ebebeyin et Mengomo, des zones jusqu’ici administrées par Malabo. Le Gabon récupère donc des terres habitées, une portion de population, et potentiellement de nouvelles ressources.

Les eaux, terrain de négociation

La Cour a en revanche laissé ouverte la question de la frontière maritime, estimant qu’aucune délimitation officielle n’existe à ce jour. Elle invite les deux pays à négocier directement. Une porte ouverte à une coopération bilatérale, mais aussi à de nouvelles tensions si les discussions échouent.

Fait notable : bien que les îles passent sous souveraineté équato-guinéenne, le Gabon conserve une emprise sur les eaux environnantes et les ressources maritimes, y compris dans les zones pétrolifères proches.

Une affaire de perception

Mais ces nuances peinent à apaiser l’opinion publique gabonaise. Sur les réseaux sociaux, les critiques pleuvent. Certains parlent de défaite diplomatique, d’autres vont jusqu’à évoquer un « deal » caché entre le président de la transition gabonais et des partenaires internationaux. Une hypothèse non étayée, mais qui révèle la méfiance ambiante.

« On perd trois îles pour des terres qu’on ne connaît même pas », écrit un internaute. « C’est une humiliation », réagit un autre.

Une décision qui redessine plus qu’elle ne retranche

Du côté des experts, on insiste sur le caractère équilibré du jugement. « Ce n’est pas une perte sèche pour le Gabon. Le pays s’étend désormais sur de nouvelles zones, gagne en population, en ressources et reste influent sur le plan maritime », tempère un analyste géopolitique de la région.

À Malabo, l’heure est à la célébration, mais la prudence reste de mise. Les deux États sont appelés à faire preuve de responsabilité pour éviter un regain de tensions.

En définitive, le verdict de la CIJ ne ferme pas seulement une vieille page coloniale. Il pose aussi un défi de gouvernance, de communication et de diplomatie. Car entre la lecture juridique et la perception populaire, le fossé reste, pour l’instant, difficile à combler.

La Rédaction

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