Enfilez vos lunettes, chers lecteurs, car aujourd’hui nous plongeons dans le théâtre absurde de la politique gabonaise avec comme acteur principal : Alain Claude Bilie By Nze, alias « l’agité ». L’homme qui, après avoir été Premier ministre sous le règne d’Ali Bongo, semble aujourd’hui découvrir, non sans une pincée d’opportunisme, les joies de l’opposition. Ce maître des acrobaties politiques, ayant survécu aux tempêtes du Palais, se découvre soudain une conscience et publie « Awu M’awu, oser l’espérance pour un Gabon nouveau ». Un titre poétique pour un bilan politique… disons, légèrement moins.
Quoi de mieux, en effet, pour reconquérir le cœur des Gabonais que d’écrire un livre où, avec le plus grand aplomb, l’on refait l’histoire ? Bilie By Nze, tel un caméléon virtuose, s’efforce de se dépeindre en homme de raison, en amoureux de la discipline. Celui-là même qui, il y a quelques mois, justifiait avec zèle l’assaut contre le QG de Jean Ping, se drape aujourd’hui dans le manteau de la défense des libertés individuelles. Ironie, quand tu nous tiens.
À la lecture de ses 30 chapitres, on ne peut qu’être pris d’une étrange impression : Bilie semble oublier qu’il a lui-même navigué pendant 3000 jours dans les eaux troubles du pouvoir. Il s’élève en critique acerbe du régime déchu, mais comme par enchantement, nulle trace de sa propre responsabilité dans ce naufrage collectif. L’homme dénonce, accuse, conspue, mais jamais ne se souvient qu’il était lui-même l’un des pilotes du navire.
Dans une pirouette savamment orchestrée, Bilie tente même de discréditer le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), arguant qu’il n’est pas l’artisan des châteaux d’eau ou des infrastructures aujourd’hui inaugurées. Là encore, le Gabonais moyen, s’il est surpris, c’est uniquement par le culot du personnage. Oui, le CTRI n’a pas lancé ces projets, mais eux, au moins, les ont concrétisés. Un exploit en soi, dans un pays habitué à admirer des éléphants blancs. Alors que son ancien gouvernement multipliait les chantiers fantômes, voilà que l’homme critique ceux qui, en un an, ont fait plus qu’en 14 ans de règne aliéniste.
Ce qui pourrait inquiéter, ce n’est pas tant ce qu’il dit, mais la résonance qu’il trouve auprès de certains. Avec sa rhétorique clientéliste et claniste, il appuie là où ça fait mal. Mais il y a un petit détail que Bilie omet dans sa comparaison : un an de transition face à 14 ans de stagnation, c’est un combat perdu d’avance.
Alors, pourquoi ce retour si bruyant ? Pourquoi ce livre, cette exposition médiatique ? Simple. L’homme sait jouer de la polémique comme personne, et dans un pays où le verbe est roi, Bilie By Nze sait faire parler de lui. Qu’importe s’il agace, qu’importe s’il divise, l’essentiel est d’exister. Mais pour combien de temps encore ce jeu d’ombre et de lumière fonctionnera-t-il ? Le temps, ce grand maître du destin, finira bien par rendre son verdict. En attendant, profitons du spectacle.