LGA, le 09 septembre 2024 – À l’instar des concours d’entrée à l’École de préparation aux carrières administratives (EPCA) et à l’École nationale d’administration (ENA), les concours d’entrée à l’ENI, ENS et ENSET offriront cette année un nombre de places supérieur à celui prévu initialement. Cette décision, prise par le gouvernement de la Transition, soulève plusieurs questions : s’agit-il d’une mesure pragmatique visant à combler le manque criant d’enseignants, ou est-ce une réponse improvisée à une crise structurelle qui dure depuis des années ?
Une réponse nécessaire à une urgence palpable
Le manque d’enseignants est une réalité bien documentée au Gabon, exacerbée par l’augmentation constante du nombre d’élèves et les spécificités des académies provinciales. Cette pénurie est particulièrement criante dans certaines disciplines clés, comme les sciences dures. La décision d’augmenter le nombre de places aux concours de formation des enseignants apparaît donc comme une réponse immédiate à une situation urgente.
En effet, depuis plusieurs années, les établissements de formation tels que l’ENS, l’ENSET et l’ENI ont vu leur capacité d’accueil se restreindre, ce qui a contribué à aggraver le manque d’enseignants qualifiés. La réouverture prévue du Centre de perfectionnement pédagogique (CPP) de Franceville et l’ouverture de nouvelles ENI à Mouila et Oyem s’inscrivent dans une logique de renforcement du secteur éducatif. Toutefois, cette mesure ne résout que partiellement le problème et pourrait manquer d’efficacité si elle n’est pas accompagnée d’un cadre stratégique à long terme.
Une solution de court terme aux défis structurels
Si l’initiative d’ajouter des candidats admis aux concours peut sembler salutaire dans l’immédiat, certains observateurs pointent du doigt la gestion à vue du ministère. Les rapports des États généraux de l’éducation de 2010 recommandaient déjà la formation d’au moins 1000 à 1200 enseignants par an pour répondre aux besoins croissants du secteur éducatif, en particulier dans les matières scientifiques. Force est de constater que cette recommandation, parmi d’autres, est restée lettre morte pendant quatorze ans.
La question qui se pose est donc celle de la durabilité d’une telle approche. Les augmentations ponctuelles du nombre d’admis aux concours suffiront-elles à combler durablement le déficit d’enseignants et à améliorer la qualité de l’éducation ? Sans un renforcement des infrastructures, une modernisation des équipements pédagogiques et une orientation active des élèves, ces nouvelles cohortes risquent de reproduire les failles existantes du système éducatif.
L’amélioration de la qualité de l’éducation : un défi de taille
L’objectif ultime du gouvernement gabonais est de garantir une éducation de qualité pour tous, tout en renforçant les chances d’employabilité des jeunes. Pour y parvenir, il est essentiel de ne pas seulement augmenter le nombre d’enseignants formés, mais aussi d’assurer une formation adéquate et de qualité pour répondre aux exigences actuelles du marché du travail et aux aspirations des élèves.
L’amélioration de la qualité de l’enseignement, en particulier dans les disciplines scientifiques, devrait être une priorité. Malheureusement, les faibles taux de réussite aux examens de fin de cycle secondaire et l’insuffisance des infrastructures, malgré une légère évolution amorcé par le CTRI, continuent de freiner les progrès du système éducatif gabonais. La formation d’enseignants sans une réforme plus large du cadre éducatif risque de perpétuer les mêmes insuffisances.
Une vision plus large à adopter
Pour faire face à ces défis structurels, le Comité de transition pour la restauration des institutions (CTRI) devra inscrire l’éducation comme une priorité nationale à long terme. Au-delà des mesures ponctuelles, il est impératif de mettre en place un suivi rigoureux des recommandations faites lors des États généraux de l’éducation. Ce suivi doit inclure des investissements dans les infrastructures éducatives, la modernisation des équipements pédagogiques, et l’amélioration des conditions de travail des enseignants.
En somme, l’augmentation des places dans les concours ENS, ENSET et ENI pour 2024 est une mesure nécessaire mais insuffisante. Si elle permet de répondre à une crise immédiate, elle ne doit pas masquer la nécessité de réformes structurelles en profondeur. La qualité de la formation, la mise à jour des infrastructures, et l’amélioration des conditions de travail des enseignants sont autant de leviers essentiels pour faire de cette augmentation un réel moteur de transformation du système éducatif gabonais.
L’initiative des listes additives dans les concours de formation des enseignants est un signe d’espoir pour pallier le manque criant d’enseignants au Gabon. Cependant, la persistance des défis structurels, notamment en matière de qualité de l’éducation et d’équipements pédagogiques, souligne la nécessité d’un plan stratégique à long terme. Le gouvernement doit faire de l’éducation une priorité nationale, en s’appuyant sur les recommandations de 2010 et en les adaptant aux réalités actuelles, afin de relever le défi du renforcement du potentiel scientifique et pédagogique du pays.